Maylis de Kerangal est vraiment un écrivain. Elle sait voir, elle sait sentir, elle sait restituer, et même si son style est parfois travaillé en pleine pâte, il fait tinter chez Dr Béru la cloche du réel.
Quant à savoir si elle est une vraie raconteuse d'histoires, c'est une autre paire de manches.
Dans Corniche Kennedy, Marseille et l'adolescence sonnaient vrai. Mais le réseau de prostitution de l'Est sentait à 20 km l'histoire fabriquée de toutes pièces, ajoutée pour étoffer le récit et lui donner, bien artificiellement, la consistance d'un roman.
Dr Béru croit pour sa part que Maylis de Kerangal est bien consciente du problème, et qu'elle a décidé d'y remédier en s'attaquant à des sujets porteurs en eux-mêmes d'une histoire. La construction d'un pont, d'abord, avec son début, son milieu, sa fin. Pas mal, déjà, pour structurer un récit.
Mais c'est avec Réparer les vivants qu'elle a trouvé le sujet de récit par excellence. La greffe contient en effet la mort, le deuil, la maladie, le corps, la technique, la renaissance, le don -- le tout ramassé dans un temps bref, selon un ordre défini par un protocole médical préétabli. Bref, une trame déjà donnée sur laquelle elle n'a plus eu qu'à tisser, en s'appuyant sur un travail d'enquête et d'observation méticuleux. Et Réparer les vivants est une réussite totale*.
L'hôpital comme réservoir d'histoires vraies, de vraies histoires : c'est dans ce trou noir ou lumineux que vit la vie, rêve la vie, souffre la vie, comme dirait l'autre.
Dr Béru, qui a bon fond, t'engage à te prononcer clairement en faveur du don d'organes. Parce que bien lavé, ça peut resservir !
*Dr Béru est tout de même un peu chiffonné par Cordelia, l'infirmière de réa (qui se transforme d'ailleurs subitement en IBODE au cours du récit). Le personnage semble fabriqué pour représenter une idée, incarner un thème (en l'occurrence, le corps sexualisé, le corps présent ici et maintenant), et sonne moins vrai. Une dissonance minime dans ce chœur qui, encore une fois, a les accents du réel.
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