dimanche 7 juin 2015

Splendeurs et misères corticales

C'est un joli mot que celui de cortex. Cortex, c'est-à-dire l'écorce, en latin. Dites cortex, et le crâne devient coquille de noix, les surrénales cupules de gland, les reins graines de lupin. Le cortex, ou l'irruption du règne végétal dans l'anatomie humaine.

Tu l'auras compris, lecteur, on nomme cortex la partie externe d'un organe plein, son "écorce", qu'il s'agisse des reins ou des glandes surrénales. Mais c'est en général au cortex cérébral qu'il est fait référence losqu'on ne précise pas l'organe dont on parle. Le cortex, c'est cette mince bande de substance grise riche en corps neuronaux située à la périphérie des hémisphères, et qui passe pour être le siège de l'intelligence humaine. C'est de là qu'on a tiré un adjectif absolument dégueulasse hélas répandu parmi les médecins : celui de "cortiqué". Est dit cortiqué le patient jugé capable d'entendre les explications que le médecin consentira à distiller. Lui est digne de recevoir l'information nécessaire à la compréhension de sa maladie ; on lui exposera les traitements possibles, l'évolution attendue ; peut-être même sera-t-il consulté dans les décisions thérapeutiques. Quant au décortiqué, il pourra toujours signer (d'une croix, probablement) le formulaire de consentement qu'on lui glissera distraitement avant l'intervention.

Qui est cortiqué, qui ne l'est pas ? Qui est in, qui est out ? Se poser la question, c'est déjà renoncer.

Edit : je rajoute un lien vers un compte rendu de l'ouvrage de Sylvie Fainzang mentionné en commentaire.

2 commentaires:

  1. Les ingénieurs disent de quelqu'un apte à comprendre leur langage, leur problématique qu'il est "cablé"... J'aime à croire que si "cortiqué" reste un néologisme dégueulasse, la plupart des médecins ne l'utilisent pas vraiment comme un jugement condescendant mais comme un des facteurs de l'équation du retour à domicile

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  2. Quelque chose comme : rentre chez toi, qu'est-ce tu viens nous encombrer les urgences alors que tu es parfaitement capable de régler ton problème tout seul ?
    Il reste que selon Sylvie Fainzang, une sociologue qui a assisté à pas mal de consultations d'annonces, l'information délivrée n'est pas la même selon ton niveau socioculturel. J'ai bien peur que ce jugement sur les capacités intellectuelles du patient ne soit qu'un jugement de classe -- et entraîne de vraies disparités dans les soins (peut-être pas dans la prise en charge, mais dans l'information à coup sûr). Bon, j'ai strictement les mêmes préjugés que tout le monde, mais on ne pourra pas s'en sortir si on ne voit pas que le problème existe !

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