Tel un nouvel Érasme, Béru se lance aujourd'hui dans l'éloge paradoxal, ce
procédé rhétorique consistant à louer un objet ordinairement blâmé. L'exemple type en est l'Éloge de la folie, mais on le trouve aussi chez Lucien (Éloge du parasite), chez Molière (l'éloge du cocuage dans L'École des femmes, l'éloge de l'inconstance dans Dom Juan), chez Lesage (l'éloge de la condition de valet dans Gil Blas)... Bon bref, aujourd'hui, éloge de la maladie.
Le pytiriasis rosé de Gibert, tu connais ? Béru non plus. Jusqu'à ce qu'il se retrouve brusquement couvert de taches de la taille d'une pièce de monnaie, rosées, un peu plus chamoisées en leur centre, finement squameuses si on y regarde bien, et siégeant essentiellement sur le tronc. Flippant ? Pas vraiment : ça ne cuit pas, ça ne démange pas, et ça finit par partir tout seul en six semaines environ. Et ça touche essentiellement l'adulte jeune. JEUNE, t'entends ?
Outre la confirmation de la verdeur physiologique de Béru (mais qui en doutait ?), le jubilatoire dans cette histoire, c'est la rigoureuse correspondance entre le tableau clinique décrit dans les livres de dermato et les signes effectivement observés. L'aspect des lésions, leur localisation, les signes associés, la durée d'évolution... Tout concordait. On était manifestement en présence d'un corps capable de réagir de la façon adéquate et attendue, un corps rattachable à la grande cohorte des corps humains susceptibles de choper un virus et de présenter un pytiriasis rosé.
Si le corps se tait dans la santé (le fameux "silence des organes" de Leriche), le corps malade se joint sans effort au chœur de ses frères souffrants : sans l'avoir apprise, il connaît la chanson. La maladie, preuve tangible d'humanité : à part la mort, qui peut en dire autant ?