Alors Dr Béru s'exécute. Il sort le grand jeu, c'est-à-dire L'Hôpital, à la vie à la mort, un livre d'aquarelles et de témoignages de Noëlle Herrenschmidt publié chez Gallimard en 2003.
Noëlle Herrenschmidt, tu la connais : c'est elle qui illustrait les "David et Marion" des Belles histoires de ta prime jeunesse. Elle qui couvrait les grands procès pour Le Monde, elle encore qui a publié des carnets de prison. Au début des années 2000, la reporter-illustratrice a passé du temps dans les hôpitaux de l'AP-HP, à la rencontre des patients et des travailleurs, soignants ou non. Elle a donné la parole à chacun, et un visage aussi : chaque témoignage, livré brut, est accompagné d'un portait à l'aquarelle, le plus souvent en action. Les chirurgiens bricolent, les IBODE fourbissent leurs armes, les cadres infirmiers font la loi, les aides-soignants poussent interminablement des chariots surchargés. Les patients patientent.
Ce qui frappe dans cet ouvrage, c'est le passage du temps, inscrit dans les décors (certains sites sont ultra vétustes, d'autres ultra modernes ; on visite Laënnec, fermé depuis), dans les changements de la pratique quotidienne (de nombreux salariés se plaignent d'une dégradation des conditions de travail par rapport à leurs débuts dans la profession), dans la répétition des journées pour les patients hospitalisés. Parties de cartes chez les adolescents, mots fléchés et télé pour les vieux. Le temps, surtout, se lit dans la structure de l'ouvrage, organisé selon les âges de la vie. On progresse ainsi de la réa néonatale jusqu'à la toilette des morts, en passant par la chir cardiaque pédiatrique, la nutrition pour adolescents, les soins de suite, la gériatrie : voyage dans l'AP-HP, voyage dans une existence.
De là à confondre l'hôpital et la vie, il n'y avait qu'un pas que Dr Béru a étourdiment franchi. Le voilà bloqué de l'autre côté du miroir. L'hôpital, à la vie à la mort : la réponse qui sauve à la question qui tue, peut-être.
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