Dans un service de réanimation, on ressuscite les corps, on réinsuffle la vie, on réveille les morts, pas vrai ?
Ou on regarde les hommes tomber.
Soit une hypertension intracrânienne maligne ne répondant plus aux traitements, un cerveau flingué, des réflexes qui s'éteignent petit à petit, la tension qui s'effondre d'un coup, la fixité de la mydriase bilatérale, la diurèse massive, les organes qu'il faut s'efforcer de préserver (regarde dans son portefeuille si tu trouves une carte de donneur), la poitrine qui se soulève toujours, le bruit du respirateur dans la chambre, les mains à plat sur le drap bleu, les ongles faits, prévenir la famille, regardez ses pupilles, les jeunes, mais n'abîmez pas les cornées.
La mort qui gagne un corps, lentement, sûrement.
Dans ces cas-là, Dr Béru emmerde la philosophie, la religion et les cours d'éthique gracieusement dispensés par la Faculté. Dr Béru laisse à la poésie le soin de tout réparer, tout ressusciter.
De la mort sans exagérer : c'est le titre d'un poème de Wislawa Szymborska, la vénérable Polonaise nobélisée. Ça dit, à la fin, qu'
Il n'est point de vie qui,
même un court instant,
ne soit immortelle.
La mort
est toujours en retard de cet instant précis.
En vain agite-t-elle la poignée
de la porte invisible.
Le peu que nous ayons pu
demeure irréversible.
Irréversible, t'entends ?
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