Elias Lönnrot, tu connais ? C'est le médecin de campagne qui, au XIXe, a recueilli les chants et poèmes populaires réunis ensuite dans le Kalevala, l'épopée nationale finlandaise -- dont Dr Béru n'a jamais lu la première ligne, hein.
La vie d'Elias Lönnrot, ou du moins une vision fantasmée de sa vie, tu la trouveras dans une bande dessinée étonnante du Finlandais Ville Ranta. On y découvre un jeune homme perdu dans les contrées de l'Est, responsable de la santé d'un vaste territoire, responsable de ses vieux parents installés dans une ferme reculée, responsable de son frère ivrogne, responsable d'avoir engrossé la femme du procureur, et bien tenté de tout laisser tomber. Il finit par partir sur les routes, sillonne le Savo et la Carélie, collecte les poèmes qui constitueront le Kalevala, avant de revenir à Helsinki.
Ville Ranta choisit un dessin hyper libre au trait, pas de cases, une narration elliptique (on ne verra rien du recueil proprement dit des poèmes, pas une scène de consultation médicale non plus), donnant ainsi un accès direct au flux de pensées de Lönnrot. Les paysages de neige comme les scènes d'été au bord de la rivière servent de contrepoint apaisant au monologue tourmenté, les scènes burlesques (de beuveries, de sauna et de sexe) allègent un récit fortement marqué par la mort. Doutes, dettes, deuils poussent Lönnrot sur les routes, et constituent les véritables sources du Kalevala.
L'Exilé du Kalevala, p. 186, éditions Çà et Là, 2010.